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Patients à besoins particuliers

PATIENTS À BESOINS PARTICULIERS 


Par la Dre Annabelle Messier, optométriste


Accueillir et desservir les patients à besoin particuliers et à mobilité réduite

Selon l’Enquête canadienne sur l’incapacité (ECI) de 2022, plus de 1,5 million de personnes de 15 ans et plus vivent avec une incapacité au Québec. Pour ces patients, obtenir un rendez-vous pour des soins de santé peut être un casse-tête, et les rendez-vous chez l’optométriste ne font pas exception. Que ce soit en raison d’un fauteuil roulant, parce qu’ils sont non-verbaux ou parce que vous et votre équipe ne vous sentez pas suffisamment à l’aise ou équipés pour les examiner, plusieurs patients se retrouvent à devoir contacter de multiples cliniques sans succès pour obtenir des soins oculovisuels. En tant qu’optométristes, comment faire pour accueillir les patients avec des besoins particuliers ? Comment leur offrir des soins, sans compromettre la qualité de notre examen ? Voici quelques pistes à explorer pour mieux accueillir et desservir cette population vulnérable.

 

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Les locaux

Les locaux sont souvent un enjeu pour l’accès à des soins oculovisuels pour les personnes à mobilité réduite. Il importe donc d’identifier les différents éléments pouvant représenter des obstacles dans votre clinique. Par exemple, la clinique comporte-t-elle des escaliers ? Les portes et les couloirs sont-ils assez larges pour qu’un fauteuil roulant y circule ? Si vous êtes à la recherche de nouveaux locaux pour établir votre clinique, il peut être utile de réfléchir à ces aspects à l’avance. Rappelez-vous que l’accessibilité profite à tous : que ce soit les patients âgés ou les familles avec une poussette, ou même votre équipe, tout le monde est gagnant lorsque l’environnement est accessible.

Le personnel

Formez vos réceptionnistes sur les questions pertinentes à poser lors de la prise de rendez-vous : le patient en fauteuil roulant peut-il être transféré dans une autre chaise ? Est-ce que le patient communique et comprend les consignes ? Est-ce que le patient utilise un service de transport adapté ? Cela vous aidera à prévoir le temps nécessaire pour l’examen et les prétests. Il peut aussi être utile d’offrir au patient et à ses proches aidants de visiter la clinique avant de programmer un rendez-vous, ce qui peut servir à identifier les obstacles potentiels et à se familiariser avec l’environnement.

Assurez-vous également que vos réceptionnistes soient informé.es des options alternatives dans votre région. Par exemple, si vous ne pouvez recevoir les personnes en fauteuil roulant en raison d’escaliers dans la clinique, prenez le temps de documenter quels établissements pourraient les accueillir et informez les patients à ce sujet. Il s’agit d’un petit geste qui peut grandement faciliter leur accès aux soins.

L’équipement

Les instruments de prétests et d’imagerie font partie intégrante de nos routines d’examen. Il peut donc être déstabilisant lorsqu’aucun de ces tests ne fonctionne comme prévu avec un patient à besoins particuliers. Sachez qu’il existe certains équipements fort utiles pour obtenir le même type de données : autoréfractomètres portatifs, lampe à fente portative, tonomètres portatifs, casques de réalité virtuelle, etc. En revanche, ces instruments peuvent être très dispendieux et l’investissement dans des tables à hauteur ajustable vous permettra déjà d’en faire beaucoup. Je vous conseille tout de même de ne pas perdre la main avec le rétinoscope, le champ visuel par confrontation ou par écran tangent et l’ophtalmoscope.

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L’examen

La communication ouverte et bienveillante sera votre meilleur atout lors de l’examen oculovisuel des patients à besoins particuliers. N’hésitez pas à demander directement au patient (ou au proche aidant, si le patient ne peut vous répondre), qu’elles sont ses capacités et ses besoins. Par exemple : le patient a-t-il assez de motricité pour utiliser une manette de champ visuel automatisé ? Peut-il lire des lettres ? A-t-il des déclencheurs (triggers) qui pourraient nuire à sa collaboration lors de l’examen (ex. : sensibilité aux bruits forts, aux lumières, au fait d’être touché, etc.) ?

Voici quelques trucs et astuces en rafale pour les différentes étapes de l’examen :

  • Pour l’acuité visuelle et la réfraction, si le patient ne peut être transféré de son fauteuil roulant et que votre chaise d’examen se déplace, positionnez le patient dans son fauteuil à l’emplacement de la chaise et conservez la distance habituelle avec l’écran. Si votre chaise ne peut se déplacer, vous pouvez positionner le patient à mi-distance de l’écran et adapter la notation de l’acuité visuelle.
  • Pour une réfraction sans visiomètre, sortez la bonne vieille caisse d’essai ! Vous pouvez utiliser l’ancienne lunette comme point de départ et effectuer une réfraction par-dessus la correction, ou bien utiliser la lunette d’essai. Votre rétinoscope et vos barres de lentilles vous seront également bien utiles.
  • Si votre patient ne peut se positionner à la lampe à fente conventionnelle, les ophtalmoscopes direct et indirect seront vos meilleurs outils pour l’évaluation de la santé oculaire. Plusieurs ophtalmoscopes directs ont une option d’illumination sous forme de fente, ainsi qu’un filtre bleu, qui vous permettront d’observer la cornée et les angles irido-cornéens. Utilisez une lentille de 20D comme loupe, et vous serez en mesure de faire un dépistage du segment antérieur en plus d’observer le segment postérieur. De plus, les ophtalmoscopes direct et indirect peuvent vous servir en complément pour les tests de vision binoculaire. Utilisez-les pour observer l’alignement oculaire avec un test de Hirshberg ou les reflets rétiniens au test de Bruckner.
  • Puisque plusieurs étapes de l’examen peuvent nécessiter plus de temps qu’à l’habitude et que la collaboration peut être un enjeu, n’hésitez pas à recommander des suivis avec ces patients. Ils se familiariseront avec vous et votre efficacité risque de s’améliorer avec les visites.
  • Surtout, faites preuve d’ouverture, de flexibilité et de créativité ! N’hésitez pas à sortir de votre routine habituelle pour adapter l’ordre des tests en fonction de la personne qui est devant vous. Utilisez tous les outils que vous avez sous la main pour obtenir le maximum de données pour chaque étape de l’examen oculovisuel.

En définitive, se donner du temps et s’engager dans une communication ouverte et bienveillante avec le patient et ses proches aidants, c’est ce qui vous permettra de trouver des solutions adaptées aux différents défis que peut présenter l’examen oculovisuel d’un patient à besoins particuliers. Pour plus de détails sur les différentes spécificités des patients vivant avec une déficience intellectuelle et développementale ou un trouble neurocognitif majeur, et pour des pistes d’adaptation pour chaque étape de l’examen oculovisuel, référez-vous aux Guides cliniques sur l’examen spécifique pour un patient vivant avec une déficience intellectuelle et développementale et l’examen spécifique pour personne âgée atteinte de troubles neurocognitifs majeurs. Il existe également plusieurs ressources en ligne pour en apprendre davantage sur les personnes vivant avec une incapacité et comment les servir. L’autoformation pour les personnes qui travaillent avec le public de l’Office des personnes handicapées du Québec est un bon exemple que je vous invite à découvrir !

Références :

  1. Enquête canadienne sur l’incapacité, 2022 [ensemble de données en ligne]. Canada : Statistiques Canada; 2022 [modifié le 1 décembre 2023; cité le 28 avril 2024]. Disponible : https://www23.statcan.gc.ca/imdb/p2SV_f.pl?Function=getSurvey&Id=1329901#a1 
  2. Arambulo Cevallos A, Tousignant B (École d’optométrie de l’Université de Montréal). Examen spécifique pour un patient vivant avec une déficience intellectuelle et développementale [En ligne]. Montréal : Ordre des optométristes du Québec; octobre 2023 [cité le 27 avril 2024]. Disponible : https://www.ooq.org/sites/default/files/2023-10/Guide%20clinique%20DI-TSA%20Finalv20230925.pdf 
  3. Khoury M, Tousignant B (École d’optométrie de l’Université de Montréal). Examen spécifique de personne âgée atteinte de troubles neurocognitifs majeurs[En ligne]. Montréal : Ordre des optométristes du Québec; avril 2022 [cité le 28 avril 2024]. Disponible : https://www.ooq.org/sites/default/files/2022-04/Outil%20de%20r%C3%A9f%C3%A9rence_pers.%C3%A2g%C3%A9s_trouble%20neuro_0.pdf 
  4. Mieux accueillir les personnes handicapées[ensemble de données en ligne]. Drummondville (Québec) : Office des personnes handicapées du Québec; 2021 [modifié le 18 janvier 2024; cité le 28 avril 2024]. Disponible : https://www.ophq.gouv.qc.ca/fr/publications/guides-de-loffice/guides-pour-le-grand-public/autoformation-mieux-accueillir-les-personnes-handicapees.html 
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