Par le Dr Éric Poulin, optométriste et président
Aux abonnés absents (BIS)
L’éditorial du dernier numéro de l’Opto Presse portant sur certains problèmes de profilage a suscité de nombreuses réactions. Étonnamment, les personnes qui ont réagi le plus sont celles auxquelles le message n’était pas destiné... L'enfer est pavé de bonnes intentions !
J’y reviens aujourd’hui pour clarifier la position de l’Ordre. Une section question-réponse est aussi publiée dans ce numéro afin de préciser les aspects importants touchant le respect de nos obligations déontologiques.
Visa le noir, tua le blanc
D’abord, le problème de profilage de clientèle basé sur des considérations autres que les besoins optométriques n’est pas un enjeu criant... pour l’instant. Notre position vise justement à juguler certaines mauvaises habitudes qui semblent vouloir s’installer chez certains afin d’éviter que le problème ne s’amplifie et que des actions plus « musclées » doivent être envisagées.
Les optométristes ayant une pratique diversifiée et qui font une gestion de leur rendez-vous permettant de voir des urgences ou des clientèles à besoins particuliers ne sont pas visés par notre initiative. Comme il nous arrive souvent de le constater, les membres aux pratiques exemplaires ont cru comprendre qu’il leur était reproché de ne pas en faire suffisamment et que nous leur intimions de répondre à tous les besoins de la population de leur milieu.
Ce n’est pas le cas.
À qui le message est-il destiné ?
Le message s’adresse plutôt aux optométristes qui, dans leur pratique, refusent ou négligent d’offrir les services optométriques requis par la population qu’ils desservent.
On peut les regrouper dans deux catégories :
1. Les optométristes qui font le choix de limiter leur pratique aux examens usuels, excluant de larges pans de notre champ d’exercice.
En faisant notamment le choix de ne pas examiner d’enfants, de clientèle à besoins particuliers, de personnes âgées (avec un formulaire de permis de conduire par exemple) ou de voir des urgences. Certains réfèrent également les cas impliquant la santé oculaire à un autre professionnel pour que ce dernier en prenne charge dans l’avenir.
2. Celles et ceux qui se laissent imposer des conditions de pratique par un quelconque gestionnaire exerçant un contrôle des horaires d’examen.
Ce qui tend à privilégier les cas qui génèrent des ventes pour l’entreprise, privant ainsi le professionnel de la possibilité d’une pratique diversifiée. Bien sûr, cette situation peut servir d’excuse pour certains de nos membres de la première catégorie.
À l’impossible, nul n’est tenu
Il est entendu que le fardeau de répondre aux besoins oculovisuels ne repose pas uniquement sur les épaules des optométristes. Nous sommes toutefois un rouage important de l’écosystème québécois des soins oculovisuels et notre implication est appelée à augmenter dans le futur. Notre formation, notre expertise, notre instrumentation de pointe et notre présence sur l’ensemble du territoire font de nous, de facto, des incontournables. C’est d’ailleurs ce que notre profession clame haut et fort depuis fort longtemps auprès des instances gouvernementales, qui en ont pris acte en élargissant notre champ de pratique et nos privilèges thérapeutiques. La population l’a aussi bien compris et c’est pourquoi elle réclame ces services.
Ce problème d’offre de service à géométrie variable n’est pas propre à notre profession et des enjeux similaires sont observables dans d’autres disciplines.
Si on se place quelques instants dans la situation où, pour nos proches ou nous-mêmes, nous cherchons une réponse à un besoin pressant auprès de collègues d’autres professions (médecins, dentistes, vétérinaires, physiothérapeutes, etc.), il est sans doute plus facile de mesurer l'impact important d’une offre de services trop sélective ou limitée, qui entraîne des délais et parfois même l’absence de réponses adéquate à un tel besoin.
En définitive, il s’agit ici de reconnaître le dévouement et le professionnalisme souvent exemplaires de la plupart des optométristes dans la prise en charge des divers besoins de leurs patients et des populations qu’ils desservent, tout en appelant à ce que ces responsabilités soient partagées de façon équitable par l’ensemble de la profession. Il s’agit ainsi d’inciter celles et ceux qui, pour différentes raisons, hésiteraient encore à le faire, d'offrir toute l’étendue des services optométriques, avec confiance et en ayant les coudées franches.