Par la Dre Johanne Perreault, optométriste et syndique
EXISTE-T-IL UN LIEN ENTRE MES QUALITÉS DE COMMUNICATEUR ET LA SATISFACTION DES PATIENTS QUANT À MES SERVICES ?
Rappelons-le, une grande partie du mandat du Bureau de la syndique consiste à répondre aux personnes qui ne sont pas satisfaites des services reçus d’un optométriste ou de sa clinique. L’optométriste a-t-il oui ou non respecté ses obligations professionnelles ? Y a-t-il possibilité de conciliation sans compromettre la protection du public ? Si un manquement est noté, celui-ci doit-il faire l’objet d’une plainte disciplinaire ou d’une autre intervention, telle la médiation ? Est-ce qu’une lettre d’avertissement serait satisfaisante pour éviter que la situation ne se reproduise et ainsi assurer la protection du public ?
De manière générale, le constat est que nous recevons très peu de demandes d’enquête frivoles. Par contre, nous sommes régulièrement témoins de difficultés, malentendus ou différends qui auraient pu être évités, ou à tout le moins atténués, si le professionnel en cause, et/ou son équipe, avait mieux communiqué avec le patient insatisfait, avait démontré une disposition favorable à son égard et avait fait preuve de bienveillance. En effet, plusieurs appels ne sont pas motivés par un manque de compétences optométriques du professionnel ou de ses collaborateurs, mais plutôt par l’impression du patient de ne pas avoir été traité comme il le méritait.
La réglementation applicable à notre profession n’est pas silencieuse à ce sujet. Notre Code de déontologie précise qu’un optométriste doit avoir une conduite irréprochable envers tout patient et avec toute autre personne avec laquelle il entre en relation dans l’exercice de sa profession. L’optométriste doit également chercher à établir et maintenir une relation de confiance mutuelle et s’abstenir d’exercer l’optométrie d’une façon impersonnelle. Finalement, un optométriste doit exercer sa profession dans le respect de la dignité et de la liberté de la personne, et s’abstenir de toute forme de discrimination.
Nous ne possédons pas tous les mêmes habiletés en matière de communication et de relations interpersonnelles et il faut aussi admettre que certains patients sont plus difficiles à satisfaire. Nous connaissons tous l’importance d’une communication efficace, mais il est possible que nous l’oubliions dans le tourbillon de nos activités professionnelles. Le Bureau de la syndique estime que la majorité d’entre vous réagit plutôt bien lorsque des différends surviennent puisque nous ne sommes pas inondés de plaintes à ce sujet. Par contre, certains professionnels semblent moins doués à cet égard et nous constatons que nous devons intervenir plus souvent auprès d’eux.
Voici quelques situations où un changement dans l’approche avec le patient pourrait s’avérer un outil précieux afin de résoudre un différend ou à tout le moins ne pas l’envenimer.
Problèmes d’adaptation avec une nouvelle ordonnance ou possibles erreurs de diagnostic
Plusieurs optométristes choisissent d’être très accommodants pour ces patients et, en ne se limitant pas à déterminer s’il y a eu erreur ou non dans leurs recommandations, préfèrent un règlement à l’amiable. En allant parfois au-delà de leurs strictes obligations déontologiques et en adoptant une approche conciliante, ils choisissent une solution avantageuse pour le patient et moins lourde pour eux et leur clinique, en évitant ainsi les conséquences d’une enquête de notre bureau ou d’une assignation à comparaître devant la Cour des petites créances.
Patient n’ayant pas reçu toutes les informations entourant sa condition ou les ayant mal comprises menant à la prise d’une mauvaise décision.
Idéalement, il faudrait d’abord éviter qu’un malentendu ne survienne en travaillant en amont, soit par exemple, en consignant au dossier la raison de la visite, le diagnostic, les recommandations de même que les traitements suggérés et en prenant le temps nécessaire afin de donner toute l’information au patient et s’assurer qu’il a bien compris la teneur de vos propos.
Si un patient revient insatisfait, percevra-t-il votre désir de l’aider, votre agacement face à une remise en question de votre compétence, des reproches parce qu’il n’a pas acheté ses lunettes chez vous ou votre impatience face à ses récriminations dont vous ne vous estimez pas responsables ? Saurez-vous identifier les motifs d’insatisfaction de cette personne de même que ses attentes ou autrement, après l’avoir écouté d’une oreille un peu distraite, lui offrirez-vous une réponse toute faite qui ne correspondra pas à ses besoins ? Le patient devra-t-il expliquer son problème à plusieurs intervenants sans pouvoir parler avec le professionnel qui est ultimement la meilleure personne pour tenter de trouver une solution ? Il va sans dire que votre attitude et celle de vos collaborateurs peut faire toute la différence entre un patient heureux ou une demande d’enquête à notre bureau.
Désagréments mineurs
D’autres appels sont motivés par des désagréments qui peuvent nous sembler mineurs et normaux, mais qui, pour des raisons parfois incompréhensibles, finissent par une dénonciation pour mauvais services. Par exemple, certains patients communiquent avec nous parce qu’ils ont été incommodés par un retard d’une quinzaine de minutes dans l’horaire de l’optométriste et que le personnel de la clinique s’est montré insensible ou impatient quand ils ont exprimé leur mécontentement. La clinique aurait-elle pu gérer cette situation différemment ?
Le savoir-être de quelques-uns d’entre nous pourrait ne pas s’avérer à la hauteur des attentes de certains patients, et ce, même lors d’une première rencontre. Nous recevons des appels de gens qui se plaignent du peu de temps qui leur a été accordé, du manque de gentillesse de leur professionnel, du désintérêt de ce dernier pour leur problème ou de son attitude empreinte de paternalisme. Des parents nous contactent parce qu’ils n’apprécient pas la façon d’interagir d’un professionnel avec leur jeune enfant. Les patients ne tolèrent plus de se faire répondre brusquement ou de se sentir bousculés et ils sont de plus en plus susceptibles d’entrer en contact avec nous pour dénoncer le mauvais service reçu.
Biais défavorable envers certains patients
Par ailleurs, on peut penser que certains optométristes ont un biais plus ou moins conscient envers certaines catégories de patients, qu’ils leur apposent une étiquette au premier regard et que la qualité de leurs interactions avec ces clientèles peut ainsi en être affectée. Par exemple, l’actualité pas si lointaine nous enseigne que des autochtones font l’objet de préjugés pouvant affecter la qualité des soins qu’ils reçoivent et nous ne pouvons exclure le fait que certaines idées préconçues à leur égard circulent aussi dans la communauté optométrique.
La majorité d’entre vous semble avoir à cœur le bien-être de ses patients. Nous vous suggérons quand même de prendre un temps d’arrêt pour réfléchir à ce que vous pourriez améliorer pour favoriser une meilleure communication avec eux et diminuer ainsi les irritants qu’ils pourraient expérimenter dans votre clinique.