MOT DE LA PRÉSIDENCE
Par le Dr Éric Poulin, optométriste et président
L’heure plastique
Il y a dans l’histoire ce que l’on pourrait appeler des « heures plastiques », a dit un jour le philosophe Gershom Scholem. « À savoir des moments cruciaux où il est possible d’agir. Si vous bougez alors, quelque chose se passe ».
Les heures plastiques sont rares. Ils nécessitent un bon alignement de l’opinion publique, du pouvoir politique et des événements, généralement une crise. Ils dépendent de la mobilisation sociale et du leadership. Ils peuvent aller et venir inaperçus ou gaspillés. Rien ne se passe sauf si vous bougez. (Tiré du texte de George Packer, The Atlantic)
Suivant cette description, l’optométrie en est peut-être à ce moment crucial.
La crise pandémique a déstabilisé notre système de santé déjà vacillant, le rendant encore plus dysfonctionnel. L’accès aux services de santé et aux soins dans des délais raisonnables est réclamé à grands cris par la population et les malades qui se sentent abandonnés. Fraîchement reporté au pouvoir et fort d’un mandat on ne peut plus clair, le gouvernement promet d’en faire une priorité et de déployer son Plan santé, pierre angulaire de son programme électoral.
Ce plan de réforme du système de santé appelle à des changements qui, à terme, devraient laisser une plus grande place à d’autres professionnels du domaine de la santé pour profiter de l’expertise de chacun. Comme je le mentionne souvent : le bon professionnel, au bon endroit et au bon moment.
Conscient du rôle important que nous jouons dans les soins de première ligne, les optométristes sont ciblés comme faisant partie de la solution par plusieurs intervenants.
Les éléments nécessaires à cette heure plastique où tout est possible semblent réunis en ce moment, devons-nous bouger pour en prendre avantage ? Ou pour paraphraser le philosophe-comptable Pierre-Yves Mcsween: en a-t-on vraiment besoin ?
Nos bureaux sont pleins et les horaires débordent. La pratique optométrique actuelle est satisfaisante pour la grande majorité des praticiens. Nous sommes confortables ! Des urgences et des suivis médicaux, ce n’est pas payant, c’est chronophage et ça vient avec des responsabilités supplémentaires.
Plusieurs d’entre vous me demandent pourquoi l’Ordre cherche à faire évoluer la profession vers de nouvelles activités ou responsabilités.
La réponse est simple.
Plusieurs activités que nous faisions hier n’existeront plus demain. Les choses vont vite, la science évolue, le marché change et la technologie bouscule tout.
La force de notre profession vient du fait qu’elle n’a jamais cessé d’évoluer, de s’adapter et de grandir. Offrir de nouvelles perspectives à notre profession ne mène pas à renier notre passé et à l’abandon de notre pratique actuelle. Nous ajoutons des cordes à notre arc, toujours avec l’objectif de protéger le public par un usage optimal de nos compétences et de notre expertise.
Nous sommes appelés à jouer un plus grand rôle dans la prise en charge des patients et dans la première ligne de l’oculovisuel.
Répondrons-nous présents ?